Premier acte réussi pour Lucien Favre

Dimanche pour sa première sortie officielle au Signal Iduna Park, le technicien suisse a obtenu ses premiers points à la tête du Borussia Dortmund en battant largement le RB Leipzig. Son idylle avec le peuple jaune est définitivement lancée

28.08.2018

Le BVB Fanwelt s’est mué en une véritable ruche. A l’occasion de cette première journée de Bundesliga, le mégastore du Borussia Dortmund, investi par une armada jaune bière et noire charbon (comme un hommage aux industries locales), bourdonne de toute sa structure. « C’est le même bordel chaque année, tout le monde vient acheter le nouveau maillot avant le premier match à domicile » grogne Jonas, dépouillant un catalogue de merchandising épais comme un annuaire téléphonique. Ce qu’il attend de cette première saison avec Lucien Favre? « Un style de jeu, une vraie identité », rétorque le fan au crâne luisant. L’an passé, on manquait d’agressivité. Notre ADN, c’est l’intensité dans la passion quotidienne, les tribunes, mais surtout sur le terrain. Il est temps de se reconnecter à notre football. »

Reportage publié le 28 août dans « Le Temps »

17h00 passée. Cette fois, c’est le cultissime Westfalenstadion, namé Signal Iduna Park depuis 2005, qui est pris d’assaut. Pour son retour en première division allemande, Lucien Favre y affronte Ralf Rangnick et son incisif RB Leipzig, sixième l’an dernier. Dans l’enceinte, les 4’000 mètres carrés de la tribune sud, vertigineusement inclinée à 37 degrés, sont si pleins qu’ils semblent déborder. D’ailleurs, la voix candide du speaker peine à couvrir les ronflements de la plus grosse affluence d’Europe selon les données de l’UEFA : « Beaucoup de plaisir pour ton premier match, Lucien! »

Alors que Dortmund architecture son jeu autour du flegmatique Axel Witsel, la recrue estivale indéniablement la plus en verve dimanche, Leipzig lorgne les espaces pour y placer des attaques éclaires. Mais l’opposition n’est pas seulement stylistique, elle est aussi culturelle. « Il faut rappeler que le Rasenballsport Leipzig est un montage financier déguisé en équipe de foot, haï par tous les clubs de tradition tel que le nôtre » assène Fabian, abonné depuis dix ans à l’octuple champion d’Allemagne. Matérialisant ce rejet idéologique, plusieurs supporters de l’enseigne fondée par le groupe Red Bull avaient été, en février 2017, sauvagement agressés en plein centre-ville de Dortmund. « Je déplore toute violence physique mais, symboliquement, la superficialité du RB en fait un antagoniste idéal. Pour Favre, c’est l’occasion d’être érigé en héros d’entrée de jeu » complémente Luca.

D’entrée de jeu pourtant, après 31 secondes exactement, ce sont bien les Lipsiens qui ouvrent le score dans un silence de cathédral. Piqué à vif, le Borussia Dortmund réagit à la 21èmepuis passe l’épaule à trois autres reprises (score final 4-1), non sans avoir déjoué. « Ils étaient meilleurs que nous, concède Lucien Favre lors de la conférence de presse d’après match. Plus rapides, plus volontaires, meilleurs sur les deuxièmes ballons. » Une domination témoignée par trois parades de gala signées Roman Bürki. Le portier helvétique de Dortmund a fait honneur à son statut de numéro un décrété vendredi dernier par son Cheftrainer. Au vu de l’énergie déployée, il est impossible de concéder la moindre défaillance mentale à ce Borussia-là. Mais son jeu de possession est pour l’heure tout sauf abouti. « Dans la construction, on doit être capable d’atteindre plus rapidement et plus précisément les joueurs offensifs » décrypte le Vaudois. « Mais voilà, à la fin, on gagne quand-même, sourit-t-il craintivement. En football, il y a des jours comme ça, où tout vous réussit. » N’arrêtant pas d’exhorter les qualités humaines de l’ex-entraîneur de l’OGNC Nice depuis son arrivée dans la Ruhr, les médias teutons apprécieront ce nouvel étalage de modestie. Reste que, au vu des circonstances et de la qualité de l’adversité, le score s’apparente à un authentique carton.

« Les espoirs sont grands pour que Dortmund s’établisse enfin comme le contrepouvoir du Bayern. »

Dimanche matin à Dortmund, terreau du football à tradition ouvrière où le Deutsches Fussballmuseum avale plus de 200’000 visiteurs par an, les colonnes du régional Ruhr Nachrichten plaidaient un renversement de la suprématie bavaroise : « Les espoirs sont grands pour que Dortmund s’établisse enfin comme le contrepouvoir du Bayern, et redonne ainsi de l’équilibre au football allemand dans son ensemble. » Alors, s’il est encore prématuré pour définir les marqueurs identitaires et appréhender le véritable potentiel du BVB version Lucien Favre (d’autant plus que le mercato de Bundesliga court jusqu’au 31 août et que la direction technique spécule sur un avant-centre), la large victoire contre Leipzig a encore rehaussé les attentes.

Dans ce contexte pressurisant, la sérénité du Suisse détonne. « C’est un autre Favre qu’à ses débuts en Bundesliga, lorsqu’on le voyait gesticuler nerveusement dans sa zone technique. A Nice, il a gagné en maturité, a appris à prendre de la distance » juge Sven Goldmann du Tagesspiegel. Jonas parle lui aussi de sagesse, scandant que « Favre, c’est un philosophe du football ». « Enfin, reprend-t-il, comme le disait Alfred Preissler (ndlr : joueur du Borussia Dortmund des années cinquante), les théories sont une chose mais c’est le terrain qui est important. » Cela tombe bien, Lucien Favre a la réputation d’être un travailleur acharné, et plutôt laconique.

Crédit photos : Ruhr Nachrichten

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