Ces vaillants Irlandais

La Nati entame vendredi à Dublin sa préparation pour l’Euro 2016. A cette occasion, « Le Matin Dimanche » a dressé l’archétype du footballeur irlandais, farouche représentant des valeurs locales.

24.03.2016

Des litres de sueur arrosant des chants gaéliques, et l’Aviva Stadium de Dublin se mue en brasier. Oxygénées par le souffle sans faille du public, des flammes semblent danser sur les abrupts mollets des joueurs irlandais. James McCarthy, brûlot increvable du milieu de terrain, s’affaisse et se révèle en boucle, multipliant les interventions dans les pieds allemands. Ce 8 octobre 2015, la Green Army n’est pas venu jouer de la harpe. A la 70ème, Shane Long le prouve en ouvrant le score, transformant l’enceinte en cratère volcanique. Et quand les trois coups de sifflet scellent la victoire celte sur le champion du monde, l’éruption abonde : « Je n’étais que devant ma télévision, mais face à ce spectacle, je n’avais qu’une seule envie : être Irlandais » clame Maxime Blanchard.

Ireland copy

Article publié dans « Le Matin » du 24 mars 2016

Résonnant comme un véritable exploit dans l’histoire de l’ « irish soccer », ce récent succès a le mérite de vanter l’une des cultures sportives les plus illustres de la planète. « Le championnat irlandais, c’est déjà quelque chose. Mais quand l’équipe nationale entre en piste, l’attention se cristallise, c’est impressionnant » perçoit le Français depuis Dublin, où il est installé depuis un peu plus d’un an. Il relève même une mobilisation globale : « Par son intense passé migratoire, l’Irlande est devenu un emblème planétaire.

« Damian Duff a récemment déclaré que nos jeunes joueurs sont en manque d’inspiration, orphelins de légendes comme Roy Keane ou Ronnie Whelan. Mais je suis sûr que l’été prochain fera naître de nouveaux héros » Emmet Malone, journaliste

Il faut voir le nombre d’ « irish pubs » installés à New York ou à Boston. » Pour Emmet Malone, ces bars irlandais, point de ralliement des sphères sportives et populaires, arrosent avant tout un état d’esprit : « Notre sport s’est érigé en culte grâce à ses valeurs de base : la fougue et la festivité. Il faut insister sur son paradigme ultra-positif. Il est directement affilié à la chaleur, à la sympathie. » Une joie contrastant avec la réalité des terrains.

Les difficultés du championnat national, contraint à emprunter pour se financer et à voir partir ses meilleurs éléments en Angleterre, inquiètent. « Damian Duff a récemment déclaré que nos jeunes joueurs sont en manque d’inspiration, orphelins de légendes comme Roy Keane ou Ronnie Whelan. Mais je suis sûr que l’été prochain fera naître de nouveaux héros » rêve le journaliste. Quelques semaines après le sacre sur l’Allemagne, les hommes de Martin O’Neill battent la Bosnie-Herzégovine et valident leur ticket pour l’Euro 2016. L’Irish Examiner titre alors : « La Green Army prête à envahir la France. » L’occasion de parodier la célèbre chanson des Dubliners « Rocky Road to Dublin » en « Rocky Road to Paris », tant l’épopée s’annonce vibrante.

L’esprit : de l’ardeur à la foi. Si le footballeur irlandais tient sa place en Premier League, là où, à quelques exceptions près, tous les internationaux évoluent, c’est premièrement grâce à son état d’esprit. « Un joueur comme Jon Walters, le meilleur durant la phase qualificative de l’Euro, ne s’arrête jamais de harceler ses adversaires. Il se rompt au combat à chaque action » exemplifie Emmet Malone, responsable de la rubrique football de l’Irish Times depuis 15 ans. « C’est dans notre sang; l’Irlande compte de nombreux de joueurs de caractère. » continu-t-il. Malgré un écrin d’acier, le mental de l’équipe ne serait pas imperméable : « Sous l’ère Trappatonni, de 2008 à 2013, les joueurs recevaient un discours dénonçant leur soi-disant pauvreté technique, qu’il fallait absolument compenser par une organisation extrême. La confiance était entamée. Martin O’Neill, l’actuel sélectionneur, a su restaurer la foi en notre football. »

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Le cœur : la cause de tout un peuple. « Quand l’Irlande se saisit de son maillot vert, c’est Conor McGregor qui rentre sur le ring le torse saillant. La cause communautaire se réveille » compare Maxime Blanchard, défenseur français des Shamrock Rovers, club de première division irlandaise. Emmet Malone confirme ce puissant phénomène identificatoire : « Le football n’est pas la première attraction de l’île. Pourtant, personne ne passe à côté d’un match de l’équipe nationale. Que ce soit en sport, en politique européenne ou en même en art, nous nous galvanisons pour battre des adversaires théoriquement meilleurs que nous. » Alors que « quatre irlandais sur cinq supportent des clubs anglais » selon Maxime Blanchard, la présence du « shamrock » sur le maillot, le fameux trèfle, fusionnerait tous les rapports : « la Green Army est le ciment du peuple », assène-t-il.

Le corps : le rythme et l’envergure. Duellistes avant d’être de fins athlètes, les Irlandais préfèrent le rythme à la performance pure. « Physiquement, nos joueurs sont puissants, mais ce ne sont pas des accélérateurs hors-pairs comme vous en avez au Barça ou à Bayern. Ils aiment l’intensité; l’habitude de la Premier League » juge Emmet Malone. Encore faut-il y jouer. « Tous nos internationaux ne sont pas des titulaires indiscutables en Angleterre. Prenez Aiden McGeady à Everton. C’est un joueur précieux de notre système, mais il arrive en sélection avec de faméliques minutes dans les jambes » déplore le Dublinois. A l’annonce de son prêt à Sheffield Wednesday (D2 anglaise) le mois dernier, l’ailier droit a carrément déclaré « avoir oublié ce que c’était d’être footballeur. » En outre, « The Guardian » rappelle dans un article publié l’an dernier que quand un Irlandais s’impose, il reste dans les mémoires : « De Johnny Giles à Liam Brady, les footballeurs irlandais ont marqué le football anglais des années 80 par leur monstruosité physique. ».

« Quand j’étais à Tranmere ou à Plymouth, le combat primait. En Irlande, cela reste engagé, mais la plupart des équipes font tourner depuis derrière. » Maxime Blanchard, joueur pro'

Le jeu : des disparités, la même énergie. Si les contours du jeu irlandais se laissent aisément appréhender, sa substance est plus disparate. « Il y a d’énormes différences techniques, comme celles qui séparent un Seamus Coleman, esthétique dribbleur, d’un Glenn Whelan, besogneux milieu défensif. Mais la débauche d’énergie est la même » analyse Emmet Malone. Passé par l’Angleterre, Maxime Blanchard qualifie le championnat irlandais de « joueur » : « Quand j’étais à Tranmere ou à Plymouth, le combat primait. En Irlande, cela reste engagé, mais la plupart des équipes jouent, font tourner depuis derrière. » De son côté, Emmet Malone présente la Green Army comme « un bloc compact soutenant une pointe rapide. » Le reporter conclut lucidement : « Nous n’avons pas les moyens techniques d’un style de possession et de construction à l’Espagnol. Notre récent succès contre l’Allemagne, acquis par un jeu direct, nous montre la voie. »

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