Le sport, terrain prisé des startups

En pleine transition digitale, l’industrie du sport attise les ambitions d’innombrables startups. Outre le travail acharné, certaines peuvent compter sur le coaching d’incubateurs spécialisés, comme Le Tremplin à Paris.

30.05.2019

Les deux arènes se regardent yeux dans les yeux. Des deux côtés de la rue Claude-Farrère à Paris, les parois rétrogrades du Parc des Princes, fief du PSG, tranchent avec l’architecture moderniste du nouveau Jean-Bouin. Effectivement, l’enceinte des rugbymen du Stade Français respire l’avenir à plein poumons. C’est dans ses vastes galeries qui siège Le Tremplin, aspirant à devenir le premier incubateur de startups sportives au monde.

Reportage à Paris publié par « Le Matin Dimanche » le 19 mai 2019

Un coup d’œil suffit pour saisir la métaphore à la base de l’aménagement des lieux. Telle une halle de gymnastique, le parquet de l’open space est nappé de lignes blanches et, çà et là, les bureaux de travail se muent en tables de ping-pong. « Ces 3’000 mètres carrés ont été pensés pour concilier travail à haute intensité et échanges informelles, expose Charles Frémont, responsable de l’incubation. Via cet environnement, on espère encourager les synergies au sein des startups hébergées. » Fondation à but non lucratif, Le Tremplin a été créé en 2014 par l’agence Paris&Co, hub d’incubateurs visant à répondre aux besoins d’industries très spécifiques. Un pôle sportif s’imposait alors comme une évidence, tant ce secteur dépend de l’innovation pour soutenir son rythme de croissance (7% par an selon le cabinet PwC).

Autre concept audacieux ayant retenu l’attention du Tremplin, Egulll vise à révolutionner la pratique, ancestrale, du golf.

Depuis, à chaque printemps, Le Tremplin trie sur le volet une centaine de candidatures. « Nos critères de sélection ne se résument pas au potentiel économique des modèles d’affaires, détaille Charles Frémont, ils considèrent surtout la capacité à offrir de nouvelles perspectives à une problématique liée au sport. » Sélectionné parmi les dix-sept startups de la première volée (2015), Seaters illustre bien cette idée de valeur ajoutée collective. « Notre vocation est d’éviter l’embarras du no show dans les stades, lorsque sponsors ou autres titulaires de places ne se rendent pas à l’événement, explique son responsable du marché français Pierre Debleme. Il n’y a rien de pire pour l’image, surtout quand le match se joue à guichet fermé. » Concrètement, Seaters a lancé une plateforme visant à optimiser les packs de billets, disposant d’une mécanique de confirmation et, surtout, de réattribution des places par le biais d’une wishlist.

Autre concept audacieux ayant retenu l’attention du Tremplin, Egulll vise à révolutionner la pratique, ancestrale, du golf.« Un peu partout, les 25-50 ans disparaissent des parcours faute de temps » constate Olivier Dhotel, le fondateur. Alors, l’application casse le mythe du 18 trous, donnant la possibilité aux golfeurs de payer pour un ou plusieurs d’entre eux seulement. « Un quart de nos utilisateurs avait délaissé les parcours plus depuis plus six ans, se réjouit l’initiateur. Jouer moins longtemps mais plus régulièrement, c’est en phase avec la société actuelle. »

Leçons d’e-sport, « gamification » de la pratique, algorithmes de collecte de données, applications sport-santé. En quatre ans, l’incubateur parisien a pu constituer un large panel de startups sportives (une soixantaine), toutes ambitionnant à s’imposer sur le marché en dynamitant ses standards. Mais les succès silicon valleysont rares. La moindre nouvelle idée amenant son lot de sueur, les parcours sont, à l’image de ceux des athlètes pros, sauvagement tortueux. « Dans la réalité, c’est dur tout le temps, avoue Olivier Dhotel. Impossible de se concentrer sur le business lors des phases de recherche des fonds. Avant que ça morde, on bouffe du pitch à longueur de journées. »

Du côté de Seaters, qui a déjà encaissé des investissements de 9 millions de dollars et possède une filiale à New York, la pression est plus que tangible. « Nos bailleurs veulent des résultats rapides, nos clients des ajustements techniques immédiats. C’est une course perpétuelle » assène Pierre Debleme. Lorsqu’il évoque son quotidien, l’entrepreneur parle de « dents de scie ». Des hauts, quand Seaters signe un contrat d’envergure avec Roland Garros. Des bas, lorsqu’un des chefs de projet quitte l’aventure à la suite d’un burn out. « Il y en a qui ne tiennent pas le rythme » déplore-t-il.

« Un entraîneur n’est jamais meilleur que ses joueurs. Notre rôle est de les faire progresser, d’ouvrir des champs de réflexion, d’orienter les stratégies. »

En outre, les trajectoires des jeunes pousses est suivie de près par les différents partenaires du Tremplin – institutionnels ou métiers – qui font partie intégrante de l’écosystème. Parmi eux figurent Nike, le Comité National Olympique ou encore la Française de jeux. « Être proche du mouvement startup leur permet de rester au diapason des dernières tendances et, ainsi, d’inculquer une mentalité pionnière à l’interne » indique Charles Frémont. Et pour les entreprises incubées, ces parties prenantes sont synonymes d’opportunités. « Les entreprises affiliées représentent de formidables terrains d’expérimentation pour les startups » juge Pierre Debleme de Seaters, qui aujourd’hui compte une vingtaine d’employés. Aussi, Olivier Dhotel admet avoir été « beaucoup aidé en termes de réseau » par son incubateur. En bon pédagogue, Charles Frémont opte pour l’analogie : « Un entraîneur n’est jamais meilleur que ses joueurs. Notre rôle est de les faire progresser, d’ouvrir des champs de réflexion, d’orienter les stratégies. »

Pour l’heure, le verger porte ces fruits. « A l’échéance critique des trois ans, nos startups de la première promotion présentaient un taux de réussite de 88%, avaient créé 530 emplois et généré 30 millions d’euros de chiffre d’affaires pour l’année 2018 »scande Charles Frémont. Des statistiques. Des trophées. Poursuivant son développement, l’institution vient d’annoncer la signature d’un partenariat exclusif avec deux incubateurs basés à Berlin et Boston. Une réussite à l’internationale qui pourrait bien faire pâlir le voisin d’en face.

Économie

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