Everton, portrait d’un club responsable

Bien souvent dans l’ombre de son voisin, Everton, l’autre formation de Liverpool, se distingue hors pelouse. La fondation du club aide près de 20’000 personnes par an et ses programmes novateurs accumulent les distinctions

23.05.2017

À quelques heures du coup d’envoi, Goodison Park se mue en fourmilière. L’arène d’Everton, dont les façades opposent un bleu royal à une horde de briques décrépies, transite un staff infini dans ses galeries. Tout le monde s’y salut. Mais, même quand le manager du club Ronald Koeman remplit une allée de tout son charisme, personne ne s’arrête. L’accoutumance ? « La conscience professionnelle » rétorque Mo Maghazachi, responsable des relations publiques au sein d’Everton FC. « De la même manière que l’avant-centre choisit de quel côté il va frapper son penalty, le jardinier sélectionne la meilleure peinture de traçage. Peu importe le prestige de son rôle, on l’accomplit tous du mieux que l’on peut » prétend Mo, pointant du doigt l’ethos du club placardé un peu partout : « Seul le meilleur est suffisant. »

Reportage à Liverpool publié dans « Le Temps » du 16.05.2017

Ce sens du collectif, Everton l’exalte à travers sa fondation (« charity », en VO) : Everton in the Community. La structure, détenant un but non-lucratif et autonomisée du club sportif, s’anime de 120 employés et de plus de 180 bénévoles. L’année dernière, elle a offert 90’000 heures d’activités à plus de 20’000 participants. Des chiffres qui contribuent à noircir son tableau d’honneur, où les récompenses s’y lisent en ligne et en colonne : «  Community Club of the Year », « Community Programme of the Year », « Best Football Community Scheme ». En fait, chaque année, ce sont plus d’une dizaine de distinctions qui garnissent la fierté de Phil Duffy, directeur exécutif de l’organisation : « Disons qu’en comparaison avec la plupart des clubs de Premier League, qui ont tous des programmes sociaux, nous travaillons plus large et plus profond. Notre champ d’action va du handicap à la délinquance juvénile en passant par la démence, l’isolation sociale et le traitement des dépendances. Nous ne nous contentons pas d’envoyer deux ou trois joueurs de la première équipe dans des pédiatries, nous cherchons à avoir un réel impact. »

Fondée en 1988 pour « occuper les jeunes du quartier pendant l’hiver » selon les dires du directeur, l’institution a bien grandi. L’automne dernier, Dr Denise Barrett-Baxendale, notable CEO d’Everton in the Community, a été personnellement invitée par le Vatican pour y présenter le modèle « evertonien ». « C’était un immense honneur de voir Denise assister à cette audience papale dont le thème était le sport au service de l’humanité, note Phil Duffy. Nous pouvons être convaincus de ce que nous faisons, mais les avis externes resteront toujours plus probants. » Pour sa part, celui du maire de Liverpool Joe Anderson se veut élogieux : « La fondation accomplit un travail formidable qui profite à toutes les catégories d’âge de la ville. Elle sait comment exploiter le pouvoir du football pour créer des différences positives dans la vie des gens, parfois significatives. »

« La fondation accomplit un travail formidable qui profite à toutes les catégories d’âge de la ville. » Joe Anderson, maire de Liverpool

Au cœur de l’arène encore déserte, l’arrosage abonde et les effluves de pelouse humide virevoltent. Comme la langue dans la bouche d’Henry Mooney, assis en tribune sud. Celui qui mène divers projets pour la société joint son travail à « une simple question de responsabilité. » « Depuis 140 ans, Everton jouit d’une immense popularité dans la région. Le club est aussi riche financièrement que de réputation, son rôle est donc de motiver, d’inspirer, d’offrir des opportunités. Non pas en distribuant des billets de match ou de l’argent, mais en développant des programmes qui peuvent amener une plus-value sur la durée. » Car avant l’offre, il y a la demande. Le quartier d’Everton, bastion symbolique et géographique de l’équipe-fanion, figure parmi les 25 zones les plus défavorisées de Grande-Bretagne. « Beaucoup souffrent de précarité dans ce que l’on appelle le « Blue Mile », la zone originellement « evertonienne » » déplore Henry Mooney. À ses côtés se tient Lee Johnson, ex-SDF reconstruit par les œuvres caritatives du « club du peuple ». Si l’homme à la figure aussi sympathique que blafarde avait été acteur, Ken Loach l’aurait sans doute casté. Au sein d’Everton in the Community, il est employé du programme luttant contre la problématique des sans-abri. « Everton fait tout pour impliquer des intervenants qui parlent en connaissance de cause dans ses projets. Cela inspire les participants, leur montre qu’il est possible de s’en sortir » prêche ce dernier.

Quand il s’agit de désigner la force suprême de la fondation, Lee Johnson caresse le logo finement brodé sur sa veste. Les facultés de l’écusson seraient à l’origine d’une autre statistique-trophée d’Everton in the Community; le taux de réhabilitions des jeunes délinquants. Alors que la moyenne nationale pointe à 26% pour la première année de rééducation, celle d’Everton brille à 76%. « Naturellement, les jeunes marginalisés éprouvent toujours des difficultés à s’investir dans des structures directement reliées au système. Le fait de recevoir de l’aide d’un club de football et le sentiment d’appartenance éprouvé en portant son badge représentent d’uniques motivateurs » assène Henry Mooney.

 

 

Dessinées par une parka bleue foncée, ces larges épaules sont celles de Johnnie Garside. Le diplômé en éducation physique manage depuis 10 ans « Imagine Your Goals », un programme de développement destiné aux handicapés mentaux. « J’ai eu la chance de le présenter dans 14 pays » crâne l’employé d’Everton in the Community. Pour développer son concept fondé sur les émotions positives du sport, le trentenaire travaille étroitement avec Mersey Care, structure pionnière de la santé mentale dans le comté du Merseyside. Il commente : « C’est pour améliorer l’efficacité de nos actions que l’on multiplie les contacts avec des ONG. Aujourd’hui, nous comptons plus de 2’000 partenaires. Collaborer, c’est aussi le meilleur moyen pour répandre nos principes et notre culture du travail. »

Car si c’est bien la population locale qui est ciblée à travers ses activités, Everton in the Community, disposant d’une quinzaine d’équipes d’handisport, lorgne bel et bien une résonance globale. L’organisme ressent naturellement les élans du club de football auquel il est chevillé. « Au niveau des résultats sportifs et financiers, le club connaît une historique période de croissance, jauge Mo Maghazachi. On perçoit d’ailleurs une pression interne auprès des membres qui veulent jouer la Champion’s League, voire le titre. Cette dynamique doit aussi s’appliquer à nos projets sociaux. On tente de développer des modèles d’excellence qui puissent être repris. »

« On tente de développer des modèles d’excellence qui puissent être repris. », Mo Maghazachi, responsable RP à Everton

Mais, financièrement, la relation entre le club et la fondation n’est pas aussi organique que l’on pourrait penser. Parcourant les rapports annuels des deux sociétés, les thèmes, centrés autour de la Blue Family, se ressemblent. Pas les chiffres. Alors qu’Everton in the Community évoque un budget annuel d’environ 3 millions de livres sterling, Everton FC publie des chiffres d’affaires dépassant eux la centaine de millions. « Notre première source de revenus n’est pas Everton FC mais la Premier League, qui octroie à tous les clubs des subventions » décrypte Phil Duffy. L’entité mère ne pourrait-elle donc pas se montrer plus généreuse? « En l’état, le club est un formidable contributeur grâce à ses apports humains (ndlr : la plupart des membres du board d’Everton FC sont impliqués dans des activités de la fondation), ses dons matériels, sa fanbase et son pouvoir communicationnel. Indirectement, il nous permet de lever la majorité de nos fonds. » Johnnie Garside va plus loin : « Par tout le monde, le club et la fondation sont perçus comme une seule et même entreprise. C’est cette vision unitaire que nous devons justement sauvegarder. »

À cet effet, Everton in the Community vient d’appointer sa première « gestionnaire du voisinage ». Le sourire avenant, Sarah Atherton personnifie la relation entre le club et son environnement : « Ce n’est pas parce que nous avons la plus grosse maison qu’elle est la plus importante. Nous œuvrons pour que les locaux subissent le moins de contrainte possible les jours de match » assure-t-elle. En sachant que Goodison Park est littéralement cerné par une zone de 10’000 habitations, l’affaire relève du complexe. « Loin de nous l’idée d’user de l’expropriation pour construire un square commercial aux alentours, se défend Sarah. Nous travaillons plutôt pour amoindrir la criminalité environnante afin d’encourager la floraison de commerces locaux. La police, les supporters, nous; tout le monde y gagne. » Pourtant, les Blues viennent tout juste d’annoncer un sulfureux projet de stade aux abords de la rivière Mersey, et donc un départ de l’historique quartier. « Justement, avant de nous en aller dans 4-5 ans, nous souhaitons laisser un bel héritage. Et puis, hormis le stade, tous nos établissements resteront dans le coin » réagit-elle.

Parmi ces derniers, l’Everton Free School s’illustre par son unicité. Construite il y a 5 ans après l’obtention du droit d’exploitation auprès du gouvernement, c’est le premier établissement scolaire régenté par un club de football en Angleterre. « Encadré par 30 enseignants, notre école fournit un programme gratuit à 128 élèves âgés de 14 à 16 ans » compte Phil Duffy. Il nargue : « Un certain nombre d’entre deux sont même des supporters de Liverpool. Enfin, pour l’instant. »

"Everton in the Community" en vidéo :

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